Depuis l’élection de Donald Trump, les codes éthiques du journalisme politique ont été considérablement bouleversés. Un constat aujourd’hui appréhendé comme une réelle opportunité pour la sphère médiatique. Décryptage par Dylan Byers, journaliste à CNN.

«Avec l’élection de Donald Trump, les journalistes ont été libérés de la neutralité politique à laquelle ils étaient tenus. Cette élection est l’aboutissement d’un réel tournant pour le journalisme politique.»

Dylan Byers, journaliste pour la chaîne d’information américaine CNN, évoque depuis Washington le changement occasionné par le séisme présidentiel américain. Un tournant, qui offre davantage de responsabilité aux journalistes américains, redevenus « gardiens de l’information ».

Depuis le début de la campagne présidentielle jusqu’à l’élection le 9 novembre de Donald Trump face à Hillary Clinton, « le traitement médiatique se veut de plus en plus sévère à l’encontre du futur président, relevant le moindre mensonge ou remarque du président ».

Selon le journaliste américain, « à la télévision comme sur les réseaux sociaux, les commentaires débridés des journalistes se multiplient ».

La couverture médiatique des élections redonne de la valeur au journalisme américain, souvent accusé de connivence avec le pouvoir en place.

« La refonte du journalisme politique et de ses codes éthiques aurait-elle été insufflée si Donald Trump n’avait pas été élu ? » Les journalistes se seraient-ils montrés aussi sévères à l’égard d’Hillary Clinton, jugée moins déraisonnable que son ancien adversaire ?

Jay Rosen, professeur de journalisme à l’Université de New York défend pour CNN l’idée suivante : « Sans l’élection de Donald Trump, les journalistes politiques seraient retournés à leur vieilles marottes, sans s’inquiéter du danger de leur accointance avec le pouvoir politique.« 

 

Un réel tournant ?

 

Le 11 janvier 2017, jour de la conférence de presse de son investiture, Donald Trump, 45e président des États-Unis, refuse de répondre à la question d’un journaliste de la chaîne d’information CNN lui attribuant à titre personnel le pseudo « fake-news ». Un titre qu’il utilisera par la suite pour accuser de désinformation de nombreux journalistes aux questions dérangeantes.

Impulsif et peu conventionnel, le nouveau président aux tweets intempestifs donne du fil à retordre aux journalistes politiques. Incontrôlable, Donald Trump recentre l’attention médiatique sur lui, tandis que les médias délaissent de nombreux territoires et communautés du pays. Nikoles Hannah-Jones, journaliste au « New York Times Magazine« , évoque tout un pan de la population du pays oubliée.  » Une Amérique en colère  » qui échappe à la sphère médiatique enfermée dans les bulles de New York et Washington.

Durant la campagne présidentielle et après l’élection, les journalistes fustigent le candidat républicain de titres de presse et éditos moqueurs ou agressifs. Très rapidement, le traitement médiatique perd en neutralité. Le ton des journalistes se veut plus agressif. Il fait notamment de la précision et du fact-checking une priorité pour contrer les attaques du futur président.

 

Le faux débat des fake-news

 

Dans une interview à « Libération », Barbie Zélizer, professeur à l’école de communication Annenberg de Pennsylvanie, souligne à travers ce changement une opportunité pour le journalisme politique.

Selon l’américaine, il est fondamental de recentrer le débat sur les codes éthiques du journalisme politique afin de ne pas s’égarer, entre autres, sur le faux débat des fake news. « Ce n’est pas un phénomène nouveau. Elles sont aussi vieilles que le journalisme. Il faut évacuer de nos esprits l’idée que c’est un fléau qui date d’aujourd’hui, et qui aurait été inventé par les supporteurs de Trump. »

Elle invoque l’importance de « mener une révolution » des codes éthiques du journalisme politique aujourd’hui « désuets », et pour lesquels « Libération » s’interroge : « l’impartialité et l’objectivité sont-elles encore de mise à l’ère Trump, à l’ère du Brexit, à l’ère de la montée du populisme ? »

De par son élection, Donald Trump incarne aujourd’hui le défi principal du journalisme politique aux États-Unis. Pour les journalistes politiques, il ne s’agit pas de prôner un journalisme partisan, ni une quelconque forme de militantisme, mais de donner davantage de pouvoir et de force à la transparence. Peu importe le ton invoqué ou la préférence affichée par le journaliste. A travers les médias, l’élection américaine a prouvé que l’émergence d’un nouveau journalisme politique était possible.

Anne-Fleur Lespiaut