Ils ont à peine plus de 20 ans, ont rejoint le Front national depuis l’arrivée de Marine Le Pen. Cette nouvelle génération aux commandes du Front national jeunesse fait partie des français les plus défiants vis à vis des médias, et sans surprise, ces digital natives se tournent vers internet.

Julie et Alexandre, deux jeunes néo-frontistes girondins.

Ils ont respectivement 21 et 24 ans, Alexandre, Julie et Davy sont tous trois militants et adhérents au sein du Front national jeunesse. Ils font aussi partie des « néo-frontistes », ces Français qui ont rejoint le parti de Marine Le Pen depuis l’accession de celle-ci à sa présidence. Rencontre avec ces jeunes à la consommation médiatique étonnante.

Davy Rodriguez De Oliveira, qui est directeur adjoint au Front national jeunesse a lui rejoint le parti plus récemment, à l’automne 2015.

Le Directeur Adjoint National du Front National Jeunesse a rejoint le parti il y a tout juste deux ans.

Auparavant, l’ancien étudiant de Science Po et actuel étudiant en Droit, assume un passé volontairement classé à gauche. Un passé au cours duquel il a été amené à militer pour Martine Aubry pendant la primaire du Parti Socialiste, puis pour Jean-Luc Mélenchon lors de l’élection présidentielle de 2012.

Du Monde Diplo’ à VA’

A la permanence du Front national de Gironde, les deux jeunes militants se confient. Sans surprise on retrouve des médias de droite mais aussi… de gauche.

Le Directeur Adjoint du FNJ évoque lui des médias très divers de la gauche à la droite. Un goût pour la différence, pour l’opinion opposée qui lui vient peut être, de sa culture politique ancrée encore à la gauche de l’échiquier politique.

Internet, le réflexe matinal

Mais si les militants continuent de consommer des médias traditionnels, ils le font avant tout sur des écrans. Ce n’est pas une surprise pour ces jeunes issus de la génération « digital natives », bercés dans les réseaux sociaux.  Dans son enquête en 2016, Jerôme Fourquet pointait la place importante du web chez les jeunes militants du parti frontiste. 66% d’entre eux faisaient confiance à internet pour s’informer, une proportion qui montait alors à 77% pour ceux exercant des responsabilités.

Pour Davy c’était même l’unique solution pour suivre l’actualité pendant l’élection présidentielle. Sa vie d’étudiant et militant ne lui a pas laissé beaucoup de temps, et c’est sur les réseaux sociaux qu’il s’informait. Des réseaux sans entre-soi nous assure-t-il.

L’entre-soi justement, c’est aussi ce qui attire Alexandre sur internet. Un endroit de liberté, ouvert au débat, mais surtout un endroit où l’on se sent un peu « chez soi ».

L’internet alternatif 

Mais il faut bien comprendre que ces jeunes consomment les médias traditionnels via leur version numérique. Internet est également le nouveau terrain de bataille des droites extrêmes et des extrêmes droites. Les « médias alternatifs » aussi appelés « réinfosphère » ne manquent pas sur internet, le navire amiral, Fdesouche compte plus d’un million de vues mensuelles.

Ces « médias alternatifs » se sont fait les chantres de la « réinformation » : ils disent à leurs spectateurs, leurs auditeurs, leurs lecteurs ce que les médias « cachent », dénoncent les « mensonges » de la sphère médiatique mais aussi et surtout abordent les thématiques de la droite forte et de l’extrême droite française. Sécurité, identité, immigration pourraient être le fil rouge et même la ligne éditoriale de ces différents sites.

Médias traditionnels, grand désamour ? 

La « défiance » vis-à-vis des médias traditionnels et du journalisme, c’est l’une des caractéristiques de ce public des extrêmes, qu’il soit de gauche ou de droite. À l’image de leur championne, les jeunes militants ont beaucoup à dire sur les médias traditionnels, surtout pendant la période présidentielle. Pour Alexandre, être un journaliste de gauche n’est pas un problème … enfin presque.

Julie, elle, reproche le traitement médiatique dont a bénéficié Emmanuel Macron face à un Front national éternellement taxé d’extrême-droite.

Davy est un peu à part. Il ne juge pas la partialité, il la reconnaît même. Pour lui, le souci est ailleurs …

Et c’est avant tout le manque d’engagement qu’il reproche aux journalistes d’aujourd’hui.

Pour autant, nous détestent-ils vraiment ? Haïssent-ils les journalistes à l’image d’un Bruno Gollnisch frappant un jeune reporter du Petit Journal lors du 1er mai 2015 ? 

La réponse pourrait être bien plus nuancée. La défiance existe bel et bien, comme chez de nombreux autres Français. Leur appartenance à un parti souvent traité différemment ou mis au ban de la sphère médiatique influence leur jugement.

S’ils reprochent bien des torts aux médias et aux journalistes, leurs mots pourraient bien vous surprendre.

Une place accordée à la proximité que l’on retrouve également dans l’enquête de Jerôme Fourquet expliquant que la presse quotidienne régionale reste un lien privilégié avec l’actualité pour ces militants… même si l’information en ligne passe devant. Mais c’est surtout l’éternelle question du centre et des périphéries qui s’éclaire ici. La PQR, France 3, France Bleu parlent de « nous », de nos «villes », de nos « villages » et de « nos vies ». Des journalistes modèles, pour un métier qui pourrait avoir encore la cote, même dans le plus extrême des partis de droite.

Delphine-Marion Boulle